Les influences mystiques et bibliques dans l’œuvre de Malcolm de Chazal 

Par Christophe Chabbert

Docteur de l’université de Paris XIII

L’œuvre de Malcolm de Chazal a paradoxalement longtemps souffert de l’engouement qu’avait suscité son irruption fracassante dans le monde des lettres parisiennes après 1945. Paradoxalement en effet car sans André Breton et les surréalistes, elle n’aurait sans doute pas le rayonnement international dont elle bénéficie encore aujourd’hui. Cependant, Les deux ouvrages publiés tour à tour chez Gallimard en 1948 et 1949 ont masqué durablement le reste de sa production, publiée bien souvent à compte d’auteur à l’île Maurice, production qui constitue, il faut bien le dire, le cœur même de l’œuvre du poète. Jusqu’à la fin des années 1990, la critique chazalienne se cantonnait presque exclusivement au commentaire de Sens Plastique et de La vie filtrée. Même si cette période fut importante pour lui, voire même déterminante, l’on est en droit de se demander, un peu par provocation, surtout par honnêteté intellectuelle, si Malcolm de Chazal fut un jour un poète surréaliste. En effet, à partir de la publication de Petrusmok tout devient différent et l’auteur avance à visage découvert en faisant prendre à son œuvre une orientation très marquée vers le mysticisme qui teintera ses textes jusqu’à la fin de sa vie. Dès lors, Chazal était-il un mystique, un réformateur, un occultiste ?, est-on en droit de se demander aujourd’hui. Que signifient pour lui ses engouements, pour ne pas parler de ses fascinations, pour la Lémurie, les montagnes de Maurice symboles du Bien ou du Mal, le christianisme johannique, la gnose et même le dualisme, lui dont la philosophie porte le nom d’Unisme ? Que sont pour lui les motifs du Logos et de Melchisédeq ? Et Dieu dans tout ceci, est-il vraiment « un masque » comme l’affirmait Georges Bataille en 1948 ?

Il est temps sans doute de se poser ces questions, évidentes et gênantes à la fois, afin de faire sortir de l’ombre les textes du poète publiés à Maurice de 1951 à 1974 et de rappeler que la Vie filtrée, publiée en 1949 chez Gallimard, n’est pas un testament poétique et que Chazal fut, jusqu’à la fin de sa vie, un formidable penseur mystique au service de la poésie.

De la quête généalogique à la révélation mystique

Peu avant sa rupture forcée avec le groupe surréaliste, Jean Paulhan questionne Chazal sur son passé familial et sur les influences mystiques perceptibles dans son œuvre. Il évoque en particulier le martinisme et la Rose-croix. Chazal tente de se justifier dans une lettre datée du 15 octobre 1947.

[2] En toute bonne foi, le poète explique « [qu’ il] ne connai[t] rien de cette affaire. Notre livre de famille ne mentionne rien à ce sujet.[3] Je n’en ai jamais entendu parler par les miens ». [4]

Selon toute vraisemblance, ce fut un article d’Aimé Patri, « je reçois un grand message poétique de l’île Maurice », publié dans la revue Combat du 23 août 1947 qui éveilla la curiosité de Paulhan en mentionnant l’existence d’un procès-verbal d’initiation Rose-croix d’un certain Chazal daté du XVIIIe siècle. [5] Fort de cette révélation, la curiosité de Chazal est attisée par ailleurs par une nouvelle lettre, écrite par René Guénon quelques semaines plus tard. Très intéressé par l’alchimie et les sociétés secrètes, le célèbre occultiste demande à Chazal des renseignements complémentaires sur cet aïeul mentionné par Patri et lui révèle que son nom est connu des milieux ésotériques pour avoir été en particulier le disciple du comte de Saint Germain.[6]

On peut sans doute dater de cette époque la rupture véritable entre Malcolm et les surréalistes qui ne sera formelle que quelques mois plus tard. A partir de ces révélations, Chazal va en effet mener l’enquête sur le personnage de François de Chazal, sans réel succès. Cependant, en raison du mystère entourant cet ancêtre, Malcolm va reconstruire, au moyen des faibles renseignements qu’il a pu glaner ici ou là, un personnage légendaire qui occupera une place centrale dans Petrusmok, la pierre angulaire du Chazal nouvelle manière.

Que sait-il de cet ancêtre à l’aube des années 1950 ? Fort peu de choses. Il sait en fait ce que Patri et Guénon lui ont révélé. Il glane ensuite quelques renseignements supplémentaires par l’intermédiaire d’une de ses belles-sœurs vivant à Londres dans l’ouvrage de Backstrom Essay on alchimy, quelle appelle « les archives de la franc-maçonnerie anglaise ». [7] Il retrouve par ailleurs la trace de son ancêtre à Maurice qui est un homme bien connu : François de Chazal de la Genesté voit le jour en 1731, à Montbrison, dans une famille de la noblesse de robe du Forez. Son père, Aimé de Chazal, conseiller du roi et sa mère Marie Marguerite Baillard du Pinet mènent une vie tranquille sur leurs terres de Marcilly, de la Roffin et de la Morandin.

François de Chazal quitte la France le 31 mars 1759, sur le Gange qui appareille de Lorient pour l’île de France en qualité d’officier de la Compagnie des Indes. C’est dans cette colonie qu’il rencontrera Jeanne Thérèse Félicité Jocet de la Porte qu’il épousera le 6 mars 1764 en l’église Saint Louis de Port Louis. D’abord secrétaire du Conseil supérieur de l’île de France, il est nommé en 1763, sous l’administration de la Compagnie des Indes, conseiller au dit Conseil. Lors de la rétrocession de l’île au roi, il est reconduit dans ses fonctions. En décembre 1772, il devient second conseiller, puis en 1789 reçoit du roi un brevet de conseiller honoraire.

François de la Genesté était féru de sciences naturelles et l’on raconte qu’il a introduit plusieurs plantes utiles à Maurice. D’une manière générale, il était connu pour son extrême générosité. M. Liénard, en particulier, reconnaît en lui un homme d’une grande charité : c’est pour cette raison qu’il a inscrit son nom sur la colonne qu’il a élevée dans le jardin des Pamplemousses, domaine par ailleurs qui était la propriété de François. Il possédait en outre plusieurs autres propriétés dans les localités de Port-Louis, Ripailles, Crève-Coeur et Moka. Les nombreux actes de philanthropie de la Genesté sont attestés par plusieurs ouvrages : ceux de son descendant Malcolm de Chazal (Petrusmok [8]en particulier) ou celui de Erik Sablé[9]. Adrien d’Epinay dans son livre Renseignements pour servir l’Histoire de l’île de France en 1890, considère que « Monsieur de Chazal est un des rares conseiller qui se soient maintenus en dehors des coteries financières de son époque. Il laisse aux archives coloniales le nom le plus pur ». Quant à son oncle, l’abbé Baillard du Pinet, dans une lettre qu’il lui adresse de Paris le 21 mars 1766 (reçue le 12 janvier 1767), il se félicite de l’état d’esprit de son neveu.[10]

François de Chazal de la Genesté, par ailleurs, se lia d’amitié avec Bernardin de saint-Pierre qu’il rencontra lors de son séjour sur l’île. En effet, plusieurs textes portent la trace de cette rencontre. Dans son Voyage à l’île de France, Bernardin de Saint-Pierre raconte en particulier une excursion en compagnie de la Genesté, excursion qui l’a fortement marqué dans la mesure où il rédige une seconde relation de la même exploration dans Harmonies de la nature. [11]

Les renseignements sur la vie publique de François de Chazal de la Genesté peuvent se réduire à ces quelques éléments. Malcolm de Chazal y avait accès, puisque hormis les éléments tirés des lettres de Bernardin de Saint Pierre, tout le reste est consigné dans l’ouvrage familial des Chazal de 1911.[12] L’on peut donc expliquer la montée en puissance du personnage dans l’imaginaire chazalien qui est manifeste dans Petrusmok en particulier et où il apparaît comme le symbole même de la bonté. Cependant, il existe un autre François de Chazal, à peine esquissé par Patri et Guénon. Mais, malgré les faibles renseignements dont disposait Malcolm au début des années 1950, l’essentiel est bien perçu. Mes dernières recherches prouvent la formidable intuition de Malcolm, son empathie extrême pour le personnage de François qui lui ont permis de faire la lumière, d’une manière générale, sur les zones obscures et secrètes du personnage.

Compte tenu des moyens de communication actuels, il est facile en effet de constater que le nom de François de Chazal est systématiquement associé au monde de l’ésotérisme. Rose-Croix célèbre dans le monde entier par ses nombreux actes de charité, Chazal attire sur lui tous les soupçons en raison de son immense richesse et la rareté de sa parole : Les quelques lettres qui sont parvenues jusqu’à nous ne laissent rien paraître de ses activités occultes supposées. Tout d’abord, parce qu’il écrit fort peu, ce dont se plaignent son frère Pierre et son oncle l’abbé Baillard du Pinet dans de nombreuses lettres.[13] Ensuite, parce que la teneur de ses écrits demeure presque toujours liée à la liquidation de l’héritage consécutif à la mort de son oncle en faveur de ses deux neveux Toussaint et Charles de Chazal. [14]

Cependant, dans sa lettre du 17 avril 1792 à son neveu Toussaint, il est possible de relever une allusion à ses activités secrètes de sa main même : il demande en effet qu’on lui fasse parvenir de France quelques ouvrages dont les titres montrent qu’il nourrissait un intérêt certain pour l’occultisme [15]

Ces allusions sont bien maigres et ne constituent en rien une preuve. Tout au plus, l’on serait autorisé à dire que François de Chazal, au moment de la Révolution française s’intéressait aux cartes, à la divination et peut-être à l’alchimie, dans la mesure où au moins deux livres font référence au Grand Œuvre : Philosophie des Hautes Science et les Sept nuances de l’Oeuvre philosophique.

A vrai dire, ce n’est pas de la correspondance familiale qu’est née la légende de François de Chazal qui s’est développé jusqu’à nos jours dans une certaine littérature et dont Aimé Patri et René Guénon rendaient compte. Tout d’abord parce que cette correspondance familiale, au moins jusqu’en 1911 était demeurée privée. Ensuite parce qu’elle n’apporte rien qui puisse jeter les bases du mythe tel que nous le connaissons aujourd’hui. Et, en effet, son origine est à chercher ailleurs, en tout premier lieu dans les textes d’un certain docteur Sigismond Bacstrom qui affirme avoir bien connu François de Chazal et avoir même été le témoin oculaire de ses activités ésotériques. [16]

Dans le préambule d’un ouvrage récemment publié en Angleterre sous le titre nouveau de Bacstrom’s alchemical anthology, [17] J.W Hamilton, nous révèle un certain nombre de détails fort intéressants pour notre enquête qui recoupent, pour certains d’entre-eux, ce qu’il était possible de glaner çà et là dans les ouvrages évoquant les activités occultes de François de Chazal. Il raconte en particulier comment Bacstrom fit la connaissance de François de Chazal, par l’intermédiaire d’un chirurgien français fuyant la Révolution, le docteur Philippe Petit-Radel. Leur rencontre aurait eu lieu à l’île de France en 1793.[18] Cette assertion est attestée par une lettre datée du 16 mars 1804 écrite par Bacstrom dans laquelle il donne à son disciple, Alexander Tilloch, quelques détails de sa vie aux côtés de son maître Chazal. Il explique que François possédait une bibliothèque fabuleuse [19] de plus d’un millier de volumes dans toutes les langues ainsi qu’un laboratoire comprenant un ensemble d’appareils comptant des instruments d’astronomie et de mathématiques.

Mais Bacstrom ne s’arrête pas là : il affirme avoir été initié aux mystères de la Rose-Croix par François de Chazal le 12 septembre 1794 et reproduit même le texte de son procès-verbal d’initiation.[20] Hamilton considère qu’il existe au moins deux bonnes raisons d’avoir procédé à cette initiation rapide : Aux dires mêmes de Bacstrom, Chazal et lui entretenait une amitié très forte ce qui faisait de Bacstrom le confident privilégié de François. [21]

La deuxième raison était d’ordre plus pratique : Il était d’usage chez les adeptes de la Rose-Croix de transmettre ses connaissances à un disciple quelque temps avant de mourir afin que la connaissance acquise se transmette sans se perdre. Il est en effet troublant de constater que François de Chazal mourra quelques mois plus tard, en novembre 1795, à l’âge de soixante-quatre ans.[22]

Mais il y a encore plus intéressant. Sigismond Bacstrom affirme avoir été le témoin d’une formidable transmutation alchimique réalisée par François,[23] ce que ne manquent pas de mentionner Hamilton dans sa préface, [24] et Malcolm de Chazal dans Petrusmok.

Il est incontestable que le docteur Sigismond Bacstrom ait appartenu à la Rose-Croix dans la mesure où Frédéric Hockley fit l’acquisition de l’original du texte d’admission de Bacstrom dans la société de la Rose-Croix. Et, ce texte a même été publié en 1887 par Waite dans son ouvrage The real history of the rosicrucians. [25]

Pour résumer ce que sait Malcolm à l’aube des années 1950 par diverses sources, voici ce que l’on peut dire : Un témoin oculaire, Sigismond Bacstrom qui affirme avoir connu François de Chazal et l’avoir vu réaliser le Grand Œuvre, une pièce authentique prouvant à la fois l’appartenance de François de Chazal à la société de la Rose-croix, son parrainage de Sigismond Bacstrom lors de son initiation et la confession de ses activités alchimiques ! Bien.

En fait, On peut légitimement penser que toutes les nombreuses mentions à François de Chazal dans de nombreux ouvrages traitant d’ésotérisme prennent naissance dans le témoignage étayé du docteur Bacstrom. Ainsi, Fulcanelli [26], René Allendy [27] ou plus près de nous René Guénon [28] (qui sont des sources citées par Malcolm) ou Erik Sablé [29] évoquent-ils les activités ésotériques de François de Chazal.

Voilà le lecteur averti. Que l’on accorde foi ou non aux fables qui courent sur le compte de François, il est étonnant de pouvoir lire des lettres écrites de sa main. Malheureusement, le lecteur en quête d’indices capables de le renseigner sur ses activités ésotériques restera sur sa faim et devra se contenter des quelques pistes fournies par la liste d’ouvrages qu’il commande à son neveu Toussaint dans sa lettre du 17 avril 1792.

Mais, la découverte de cet ancêtre prestigieux n’explique pas à elle seule la crise mystique chazalienne des années 1950. Malcolm est né en effet dans une famille très croyante. Son arrière-grand-père, Edmond, était le fondateur de l’Eglise de la Nouvelle Jérusalem. Pasteur de cette Eglise, il éleva ses enfants et l’ensemble de ses petits enfants dans la religion protestante. Il est donc aisé de comprendre que Malcolm a été immergé dès son plus jeune âge dans les textes bibliques. Et, même s’il affirme avoir quitté cette Eglise en 1927, il n’en demeure pas moins que son imaginaire a été façonné par le christianisme. A l’âge de 48 ans, sous l’effet des révélations venues de Paris et du Caire, il s’est sans doute replongé dans l’univers biblique qui a baigné sa vie de l’enfance à l’âge d’homme. En ce sens, Petrusmok est un retour aux sources. Tous les éléments étaient donc réunis pour qu’un virage s’amorce. Et, le silence parisien contribuera à décupler son aspiration pour l’absolu en le libérant totalement.

II. Gnose et fascination pour les écrits johanniques

A. Résonances gnostiques

A l’aube des années 1950, il s’est donc produit un événement considérable chez le poète. Comme Pascal en 1654, Malcolm obtient dans les nuits des 11 et 14 août 1951 une puissante révélation, « la révélation de la nuit ». A partir de cette date, l’on assiste à l’irruption d’une poétique nouvelle aux accents fortement gnostiques. Le produit de cette « révélation de la nuit » ressemble à une sorte de gnose modernisée, adaptée au monde moderne.

Avec Malcolm de Chazal, nous pénétrons en effet dans un univers où prédomine un fort sentiment d’élection. Et, les premières traces de cette gnose se repèrent en premier lieu dans sa démarche syncrétiste. Cette révélation l’entraîne tout d’abord à « décaper » et à « décanter » toutes les traditions religieuses afin de délivrer un nouveau message religieux dépassant et surclassant toutes les autres. Cette démarche syncrétiste forcenée est une des attitudes caractéristiques des anciens gnostiques qui voulaient jeter les bases d’une nouvelle religion au moyen d’une stricte purification par filtrage des croyances de leur temps. Comme eux, Chazal cherche à unifier les pensées théologiques humaines (ce qui entraîne souvent quelques incohérences). Le système chazalien est donc une sorte de conglomérat organisé de pensées diverses. Mais, l’universalité du message, sa mystique salvifique, la place de l’homme au centre du système, mesure de tout ce qui existe et responsable unique de la destinée de son âme, la connaissance métarationnelle à partir de laquelle tout est mesuré et éclairé, la valeur incomparable de la lumière et la répulsion pour l’ombre sont autant de marques permettant de reconnaître chez Chazal bien des caractères propres à la gnose.

Outre sa tendance au syncrétisme, ce sont sans doute ses angoisses métaphysiques qui rapprochent plus encore Chazal des gnostiques. Or, la gnose répond toujours à une angoisse de l’individu obsédé par les grandes énigmes de la métaphysique. Et, les constructions philosophiques et théologiques de Chazal visent à donner un sens aux destins individuels écrasés et menacés par le cadre cosmique. La gnose, mythe explicatif de la situation désastreuse dans laquelle se trouve le monde, devient un puissant moyen de salut.

A côté de ces deux grands axes gnostiques, l’on rencontre également un motif tout à fait intéressant emprunté à la philosophie occulte : le Très Grand Homme. Le monde, chez de nombreux groupes ésotériques, est souvent représenté comme un homme primordial dont le cosmos trahirait l’apparence. Cet anthropos figurant le macrocosme de l’univers correspond avec un microcosme qui résume avec fidélité l’image première du monde : l’homme. Et, chez Malcolm de Chazal, l’homme est la mesure de tous les objets de la création. Il est au centre de son système.[30] Ce qui est souvent commenté comme une manifestation de la mégalomanie de Malcolm (bien réelle au demeurant) cache sans doute un message ésotérique manifeste dont la profondeur est incontestablement de premier ordre. [31]

Dernière occurrence gnostique parmi les plus significatives, celle faite aux Esséniens me semble être extrêmement caractéristique de la démarche chazalienne. Cette communauté religieuse a retenu semble-t-il l’attention de Malcolm, du moins, pendant quelques semaines. On en trouve la trace au moins dans deux textes : dans Sens Unique (1974) et dans un article d’Advance intitulé « les manuscrits de la mer morte ». (22 / 11 / 1956) Dans cet article, Chazal retrace l’histoire des découvertes réalisées à Qumrân depuis 1947. Il s’intéresse en outre au personnage du Maître de justice (que l’on identifie souvent au grand prêtre de la communauté) en le comparant au Christ. Il remarque par ailleurs la parenté existant entre les textes esséniens et les textes johanniques, ce qui en soi n’a rien d’étonnant puisque l’on sait que la gnose avait pénétré à des degrés divers dans la théologie de Jean. (Jean a peut-être été lui-même un sociétaire de Qumrân). Pour Malcolm de Chazal, ces manuscrits sont considérés comme des trésors initiatiques et ésotériques de première importance dont l’apôtre Jean aurait eu connaissance.[32]

Ces quelques faisceaux gnostiques que j’ai mis en évidence trouvent tout leur sens dans le rapport qu’ils entretiennent avec les textes de l’évangéliste Jean. Cependant, Chazal opère une lecture « partisane » et « orientée » des écrits johanniques puisque Jean n’a utilisé des motifs gnostiques que pour s’adresser à des populations sensibilisées à ses symboles et pour montrer que le Christ est pleinement humain (contrairement à ce que prévoit la gnose), qu’il est pleinement Dieu et qu’enfin, il est assimilé au Logos devenu homme. Chez l’évangéliste, toutes les fonctions de révélation, de salut ou de guide illustrées par des symboles gnostiques passent par Jésus de Nazareth, le Logos incarné, d’où les multiples « Je Suis » (le cep, la lumière, la porte, le berger, le chemin de la Vérité et de la Vie…) Et ce sont ces motifs gnostiques disséminés çà et là dans le quatrième évangile qui retiennent l’attention de Malcolm de Chazal.

B. Résonances johanniques

Le Logos

Ce terme grec que l’on peut traduire par la « parole » est un motif central de la théologie judéo-chrétienne. C’est en effet par son Logos que Dieu a créé l’univers, précise le livre de la genèse : « et Dieu dit … et cela fut ».

Le prologue de l’évangile de Jean reprend lui aussi ce terme : l’évangéliste assimile cette parole créatrice à Jésus de Nazareth, envoyé parmi les hommes pour les sauver : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu et le Verbe était Dieu. […] Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui. […] Et le Verbe s’est fait chair […] et le monde ne l’a pas reconnu ». (Jean, 1, 1-14).

Malcolm de Chazal évoque à de nombreuses reprises le Verbe dans ses textes au point qu’il lui consacre dans certains ouvrages des chapitres entiers : on peut se souvenir notamment de la dernière partie de La clef du cosmos ou de la conclusion de Petrusmok où l’on peut lire par exemple que « le Verbe créa le monde » [33] : [34]

D’autres textes sont presque des intertextes contradictoires de Genèse 1. Chazal décrit en effet dans Pentateuque la création du monde divisé qui est le nôtre par « l’homme », érigé pour la circonstance en Démiurge malfaisant. [35]

Ce thème de la Parole créatrice présente dans les premiers versets de la Genèse et du prologue johannique tient chez Chazal une place importante. Elle est d’ailleurs fréquemment associée à un autre thème cher à l’évangéliste et aux gnostiques : la lumière. Voilà sans doute une contradiction supplémentaire dans la pensée de Chazal, si l’on considère cet extrait de Pentateuque qui met en scène un Logos étroitement affidé à la ténèbre : l’homme, cet être de chair et de sang, est assimilé à l’ombre, une ombre qui crée un monde de division. Il faut sans doute voir dans cet extrait la manifestation tangible des idées gnostiques auxquelles Chazal semble avoir puisé son inspiration, du moins à cette époque.

La lumière

Chez Malcolm de Chazal, le thème de la lumière se présente sous des formes différentes. L’extrait que j’ai choisi pour illustrer une autre exploitation, consciente ou inconsciente, de la veine gnostique met en évidence une conception de la Lumière intimement liée à celle du Logos, comme on peut la rencontrer dans le prologue de Jean et qui s’oppose à celle de Pentateuque. Cependant, le caractère incarné de la Parole et de la Lumière ne sont pas clairement reconnus. C’est peut-être à ce prix que leur association est rendue possible : Malcolm de Chazal oscille entre deux attitudes contradictoires, affirmant tantôt que la « Lumière est [avant toute chose] chair spirituelle » mais qu’elle est aussi « totalement humaine » sans pourtant avoir de « consistance » : Le poète s’inspire donc de Jean et cette veine sacrée transparaît d’une manière très claire dans le vocabulaire. Cependant, il s’en tient à des spéculations d’ordre gnostique en occultant la question de l’incarnation de la Lumière et de la Parole, centrale chez Jean et inacceptable par un être touché par la gnose. Chazal, inconsciemment sans doute, sent que sa théologie sur ce point n’est pas clairement définie, ce qui peut expliquer ses hésitations et ses repentirs successifs. Quoi qu’il en soit, le passage cité dans la note suivante me semble être une bonne illustration de cette contamination de la pensée chazalienne par tout un courant de la gnose qu’il aurait pu pressentir à la lecture du quatrième évangile. [36]

La poétique chazalienne, au cours des années 1950, est donc fortement contaminée par celle de l’évangéliste Jean. Le vocabulaire, en particulier, trahit cette influence majeure. L’on retrouve par exemple chez Malcolm de Chazal les motifs gnostiques de la « lumière », de la « parole », de la « chair spirituelle », de « l’amour » (qui est plutôt d’essence paulinienne), ou de « l’agneau ». Cette dernière occurrence est significative car « l’agneau » est le grand thème de la poétique johannique. Mais, habilement, Malcolm de Chazal, mêle ces termes entre-eux, leur donne comme une seconde essence, en les associant, à la manière de Jean : l’association « chair/esprit », thème déjà présent dans Petrusmok, et les expressions déclinées sur ce modèle comme « chair de lumière », « chair spirituelle » ou « corps de gloire » appartiennent au style johannique le plus classique. Et, Malcolm de Chazal joue avec cette poétique au point de la faire sienne et de l’assimiler tout à fait.

Contrairement à de nombreux textes de cette période, le poète accorde une importance extrême au rythme et à la musicalité de ses pièces. Le sens de l’Absolu n’est pas à proprement parler un recueil poétique. Il est une sorte de traité de philosophie ou de théologie, un ouvrage de doctrine avant toute chose. Cependant, dans ces quelques lignes, le poète prend le pas sur le théologien : le mouvement d’ensemble est parfaitement réglé ; les phrases sont courtes, le verbe est clair. Le poète s’emploie à construire un texte à partir de deux champs lexicaux théologiquement antithétiques, « la chair » et « l’esprit », et les mêle subtilement en les associant au motif de la lumière. Là, se résolvent toutes les contradictions, tous les antagonismes, tous les déchirements. Et, si la poétique johannique transparaît dans ces lignes, Malcolm de Chazal montre ici qu’il est un grand poète qui sait, lorsqu’il réfrène son enthousiasme et sa prolixité, « régler » comme Rimbaud « la forme et le mouvement de chaque consonne », « inventer un verbe poétique accessible, un jour ou l’autre, à tous les sens », créer des poèmes instinctifs dont la traduction reste réservée.

Esotérisme

Mais Jean est surtout pour Chazal celui qui incarne « l’Eglise ésotérique »[37], celui qui a vu l’Apocalypse, celui à qui Dieu a permis de révéler aux hommes l’avènement eschatologique. Il lui arrive même dans certaines de ses exaltations petrusmokiennes de se prendre pour Jean en personne : « Je croule dans le sommeil de Dieu, écrit-il, et je suis Jean. Patmos, tu n’es que le subconscient du dernier cran, où la léthargie est si près de la mort ». [38] Puis, il se ravise, conscient sans doute d’avoir outrepassé ses prérogatives : « Je ne suis qu’un voyant mitigé, confesse-t-il. D’autres plus grands que moi seront les voyants totaux dans la pierre, interprétateurs suprêmes de l’oracle pétré ». [39] On sent bien ici que la figure johannique le fascine et que s’il se dit prophète, c’est sans doute parce qu’il veut lui aussi ressembler pleinement au rédacteur de l’Apocalypse. D’ailleurs, il se défend parfois de posséder un modèle aussi prestigieux et énigmatique. Il s’insurge contre lui en lui donnant les titres de « lucifer [40] des mots », de « cachotier des vérités », « d’enveloppeur et d’envoûteur ».[41] Mais, ce vocabulaire laisse transparaître toute l’affection que Chazal porte à l’évangéliste, une figure charismatique qui tient lieu pour lui de référence suprême incontournable : « ce Roi du Monde, et ceci est capital, est explicitement nommé dans Jean, par le Christ, comme le Princeps huius mundi ». [42]

La Nouvelle Naissance

Un autre thème central du quatrième évangile, celui de la Nouvelle Naissance, peut se rencontrer dans les textes chazaliens. Il est traité en particulier sous une forme allégorique extrêmement théâtralisée dans Petrusmok. Le chapitre intitulé « La caverne rose » se présente en effet comme un écho discret de l’entretien du Christ avec Nicodème[43]. L’expérience mystique qu’il rapporte est sans doute éloignée, dans son déroulement, de l’épisode raconté par Jean, de la rencontre entre le pharisien Nicodème et Jésus. Pourtant, le thème de ces deux narrations est le même : Jésus ne déclare-t-il pas à son interlocuteur « qu’à moins de naître à nouveau, nul ne peut voir le royaume de Dieu » ? [44] Cette intertextualité prend une dimension nouvelle quand on sait que le texte grec de l’évangile utilise un vocabulaire permettant une lecture gnostique de l’épisode afin que ceux qui étaient sensibilisés à ces doctrines puissent appréhender le message d’une manière plus subtile. En effet, le terme Anôthen comporte plusieurs sens qui rendent possible une lecture à plusieurs niveaux. « A moins de naître Anothen », c’est à dire « à moins de naître à nouveau, ou d’en haut, nul ne peut voir le royaume de Dieu ». Textes à résonances gnostiques donc, l’entretien avec Nicodème et l’épisode de la Caverne rose paraissent intimement liés d’autant plus qu’on peut relever dans l’extrait chazalien un certain nombre de termes clés empruntés au vocabulaire gnostique et qui figurent dans Jean 3, 1-21 : « esprit, eau, lumière et chair ».

Le paralytique, Lazare et ses sœurs

D’autre part, des personnages appartenant exclusivement à la narration du quatrième évangile peuvent se rencontrer dans Petrusmok ou dans d’autres textes qui lui sont postérieurs : Il est en effet question du paralytique de la piscine de Bézatha [45] dans les Deux infinis par exemple. [46] Cependant, Chazal insiste davantage sur trois autres personnages : Lazare, [47] ressuscité par Jésus [48] et ses deux sœurs, Marthe et Marie que l’on retrouve dans Petrusmok dans un chapitre qui traite encore une fois du thème de la Nouvelle Naissance par la résurrection. [49]

Intertextualité

Ne pouvant pas être ici exhaustif sans courir le risque d’entreprendre des développements digressifs, je m’efforcerai d’être néanmoins complet. Pour terminer ce panorama consacré à l’influence de Jean sur la pensée chazalienne, il me faut signaler des occurrences dans lesquelles Malcolm de Chazal s’empare de certains épisodes contenus dans les textes johanniques, en réalisant une transposition pure et simple : tel est le cas par exemple de la bête de Petrusmok montant de la mer pour gravir les flancs du Pieter-Both : elle ressemble à s’y méprendre à « la bête » que décrit l’Apocalypse : semblable à un léopard, ses pieds étaient comme ceux d’un ours, et sa gueule comme une gueule de lion ». [50] L’Apocalypse fascine Chazal tout autant que le quatrième évangile : Les références aux visions eschatologiques de Jean sont en effet nombreuses au point que deux chapitres de Petrusmok leur sont consacrés. [51]

Pour finir, je voudrais signaler une dernière occurrence, plus subtile sans doute que les autres, parce qu’elle reprend mot pour mot une citation de l’évangile de Jean, sans donner de références. En effet, à la différence de celle précédemment citée, Chazal ne donne pas ses sources, sans doute pour adresser un clin d’œil supplémentaire et malicieux au lecteur initié : Accompagné d’Edmée Le Breton, d’Hervé Masson et de Marcel Cabon, le poète se rend sur les pentes du Pieter-Both pour montrer à ses amis les personnages pétrés qui s’y dressent. Tous passent de « Mac à Mooreebaba et tous virent et tous crurent » précise Chazal en reprenant jusqu’à la structure syntaxique de Jean 20, 8 qui raconte la découverte du Saint-Sépulcre vide par les disciples et en particulier par Jean en personne :

« C’est alors que l’autre disciple, celui qui était arrivé le premier [Jean], entra à son tour dans le tombeau ; il vit et il crut ».

Il semble donc que Chazal ait éprouvé une certaine fascination pour la figure johannique, fascination qui transparaît dans sa poétique personnelle. Cependant, cette influence de la pensée de Jean, presque toujours en relation chez le poète mauricien avec la gnose, a pu le conduire à l’époque de Pentateuque, à une véritable dérive gnostique dualiste, philosophie en contradiction absolue avec son système de l’Unisme.

Une gnose dualiste ?

Il est possible de percevoir les prémices de cette dérive dualiste à partir de l’année 1952, date à laquelle Malcolm de Chazal travaille à la rédaction de Pentateuque qu’il considère, non sans ménager ses effets, comme un message ultime adressé à une humanité par trop fermée à la chose mystique. Petrusmok vient d’être publié, inaugurant pour le poète une ère nouvelle, toute pétrie de fièvre et d’angoisses métaphysiques. Il a reçu une révélation, il s’est sans doute passé dans sa vie quelque chose de puissant qui a laissé sa trace dans l’écriture. Toutes les découvertes qu’il a pu faire sur le passé occulte de sa famille l’ont entraîné probablement à se renseigner sur les milieux ésotériques : la Rose-croix, l’Alchimie et la lecture de la Bible l’influencent de plus en plus, orientent sa pensée et transforment pour un temps son système. Il se documente sans doute aussi sur Jean l’Evangéliste, pour lequel il éprouve une affection particulière et cette petite révolution intellectuelle le conduit lentement à envisager des systèmes qu’il avait écartés volontairement jusque-là.

L’année 1952 est dominée par la publication de dix ouvrages,[52] tous plus mystiques les uns que les autres, tous animés par une flamme nouvelle : Parmi les titres de cette liste se distingue Le livre des principes qui rappelle, par son titre, Le livre des deux principes, un traité de théologie cathare, retrouvé à Florence et publié pour la première fois en 1939 par le Père Dondaine. [53] Il est sans doute peu probable que Chazal ait eu connaissance de la publication de cette œuvre. Cependant, il faut noter que le terme principe, fait partie du vocabulaire de la théologie gnostique qui désigne, au pluriel, les deux forces antithétiques qui se livrent un combat permanent. L’on se souvient en effet du remplacement des divinités personnelles ou anthropomorphiques dans la philosophie gnostique par des constructions à la fois abstraites et douées d’une réalité métaphysique : le mauvais Dieu, ou mauvais principe, s’opposant au Dieu Vrai, une toute-lumière non corrompue dans la chair, correspondant au bon principe. Malcolm de Chazal, aux alentours de 1952, semble gagné par cette doctrine même si l’on peut relever chez lui certaines ambiguïtés liées à la chair par exemple.

C’est surtout dans son Pentateuque que cette préoccupation pour les idées gnostiques dualistes est la plus visible : Chazal présente un système fort curieux qui remet en cause fondamentalement sa vision cosmogonique du monde : Très préoccupé comme on l’a vu par la question de la réunion du « corps » et de « l’esprit », il essaie d’explorer les raisons qui ont conduit l’univers à la désunion, à la fracture de l’Un dont il présuppose l’existence avant le commencement : l’homme, qui faisait partie de l’Un, pense et provoque la naissance du monde. Cependant, Chazal ne s’en tient pas à cette explication. Une fois la Chute provoquée, toute une succession d’événements catastrophiques intervient :

« Premier jour (extrait)

L’idée de nuit qui est la pensée avait tout fait. L’homme dès lors vit tout deux : esprit et corps.

Second jour

Et l’homme se prosterna et adora le soleil mort, ce fut sa première statue.

Et se retournant et voyant son ombre, il toucha l’ombre, mais sa main donna une ombre.

L’homme fit d’autres gestes, et l’ombre bougea. L’homme se sentit enveloppé. Il cria. Ce fut sa première peur. Il se tourna vers le soleil et revint à l’ombre. Et il marcha entre l’ombre et la lumière, craignant le diable et adorant Dieu. Et Dieu fut deux : le Mauvais Dieu et le Bon Dieu ».[54]

Le Logos et la chair

Le lecteur a sans doute repéré dans cet extrait des thèmes ainsi qu’un vocabulaire que l’on rencontre dans les écrits gnostiques : la « lumière » antithèse de la « nuit », le « Mauvais Dieu » contraire du « Bon Dieu », « l’esprit » mis en opposition avec le « corps ». Ce texte ne remet donc pas en cause l’Unisme primordial : il rend compte simplement de la fin de ce système unifié a vécu. l’homme a perdu l’unité et l’éternité. Il faut donc essayer de retrouver cette unité, non pas comme dans le système strictement gnostique, en fustigeant la matière, mais en s’appuyant sur le monde sensible pour retrouver l’univers céleste primordial. Il est possible bien entendu de discuter de la position de Chazal en ce qui concerne le thème de la chair : sur ce point précis, il faut reconnaître qu’il n’est pas clair : tantôt il sanctifie le corps, tantôt il le fustige avec violence comme le montre cet extrait des Deux infinis rédigé en 1953-1954 donné en note.[55]

Par cette affirmation, Chazal brise le dernier obstacle qui le séparait des systèmes dualistes : Dieu ne peut pas se compromettre dans la chair. Il rejoint ainsi curieusement les penseurs gnostiques chrétiens qui refusaient l’idée que le Logos puisse s’être fait chair : selon eux, le Christ n’aurait jamais été humain et celui qui est mort sur la croix à Jérusalem, n’a pas vraiment connu la mort. « Le péché pour Chazal, [du moins à cette époque], est la croyance au Dieu anthropomorphe, au Verbe Anthropomorphe, et qui met dans le ciel cyclique ou l’enfer ».[56]

Du Démiurge

La réalité du Logos incarné est donc niée ici, sans ambages. Malcolm de Chazal adopte, pour un temps, une position résolument gnostique sur cette question centrale que pose le Christianisme. Ce problème de l’incarnation du Verbe de Dieu conduit immanquablement à celui de la création du monde. Dans Petrusmok en effet, il est question d’un « sous-Logos » [qui] « construisit ces monts et [qui] mit ces formes que nous voyons dans la roche [de l’île Maurice] ». [57] Ce « sous-Logos » semble se confondre avec le démiurge dont il est question dans Pentateuque. Il semble être la première de ses figures symboliques, encore en gestation dans Petrusmok, et qui trouvera sa forme définitive et son nom véritable dans les ouvrages qui seront publiés quelques années plus tard. Or, le démiurge est un être bien connu des dualistes. (Dans le souci de clarifier les choses, je m’en tiendrai ici à la définition chrétienne que l’on a donnée de lui) : l’affirmation de son existence prend naissance dans la lecture que certains groupes chrétiens gnostiques ont pu faire des Evangiles, et en particulier de celui de Jean. La perspective dualiste de la création peut être envisagée par une interprétation très particulière du Prologue johannique. L’interprétation du texte imaginée par les Cathares me paraît être un bon exemple capable d’illustrer simplement le problème : Les Bons Hommes de l’Occitanie fondaient leur théologie pour une grande part sur une traduction divergente de quelques versets du prologue. Ils avaient en effet traduit les mots de la vulgate latine « et sine ipso factum est nihil » par « e senes lui es fait nient » qui signifie littéralement : « et sans lui a été fait le rien », c’est-à-dire, le néant. En d’autres termes, le Seigneur ne s’est pas compromis dans la création du monde habité par le mal. « Le monde visible, « ce bas monde », n’est pas la création divine. Il émane d’un autre principe ». [58] Dès lors, explique Anne Brenon, le récit de la Genèse est envisagé par eux comme la relation de « la chronique de la création du monde [périssable] par le faux Dieu, Jéhovah / YHWH, l’Eternel, Dieu des armées etc., en qui ils voient l’expression du mauvais principe. Le Nouveau testament par contre, la révélation christique, est le texte à partir duquel s’édifie leur construction métaphysique ». [59] Cette création mauvaise, œuvre du Dieu Mauvais, Chazal la récrit et la commente abondamment dans Pentateuque où il fait la relation d’une étonnante vision. [60]

Comme dans les représentations gnostiques courantes, le Démiurge, chez Chazal, crée des monstres à son image : les faces reptiliennes des créatures sont en effet bien inquiétantes. Cet extrait revient aussi sur l’ambivalence du poète concernant le thème sensible de la chair : elle apparaît ici sous une apparence abjecte et l’homme, parce qu’il possède lui aussi une prison de chair « est une créature du Mauvais ». [61]

Il n’en demeure pas moins que l’ambivalence sur la question charnelle, comme sur beaucoup d’autres, existe. Or, si Chazal semble se contredire, c’est sans doute parce qu’il tente de faire cohabiter au sein d’un même système, trois conceptions foncièrement différentes de la cosmogonie : celle du monisme tout d’abord, consistant à affirmer l’unicité du monde et la parenté d’essence qui existe en toute chose. Celle du dualisme ensuite qui met en scène deux Principes opposés se livrant une lutte impitoyable. Celle du christianisme « orthodoxe » enfin, qui imagine un créateur différent de sa créature, un créateur bon et plein d’amour se sacrifiant pour l’homme en choisissant de partager sa misérable condition humaine pour le sauver et l’élever auprès de lui dans la gloire de l’Eternité. Trois conceptions donc, trois points de vue différents, trois attitudes opposées, que Malcolm de Chazal essaie de rapprocher : un tel syncrétisme ne peut que déboucher sur l’imperfection, sur l’exposition d’un système aux contradictions criantes : « Tout est un », mais la chair pose problème explique Chazal ; « le Verbe anthropomorphe » porte le ferment du Mal mais Jésus-Christ est le Sauveur du monde; Le monde n’a pas été créé par Dieu, qui d’ailleurs n’existe pas dans son système en tant que créateur : l’univers mauvais est l’œuvre du « Mauvais Dieu », mais c’est le « Verbe qui a créé le monde » [62] etc. Chazal, malgré tous ses efforts, est incapable de mettre sur pied un système véritablement cohérent car il tente de faire coexister côte à côte des architectures philosophiques aux origines par trop différentes. Voilà sans doute l’explication des errances et des approximations chazaliennes qui hantent son œuvre en la rendant complexe et parfois même suspecte.

III. Le Christ, un motif essentiel de la théologie chazalienne

Le Christ chez Malcolm de Chazal revêt une forme essentiellement mythique que l’on peut rencontrer dans son œuvre principalement sous deux formes différentes.

Le Christ, le Logos

Il n’est pas surprenant de retrouver chez lui ce motif car il est LE motif central de la théologie johannique. Chez Malcolm, on peut le retrouver dans de nombreux textes de la période « mythico-biblique » sous trois formes différentes : celle du Logos, celle du Verbe, et celle de la Parole. Il est à noter que ces trois occurrences sont interchangeables chez lui et souvent utilisées comme des synonymes.

Ayant déjà abondamment commenté cette figure symbolique précédemment, je voudrais simplement souligner ici que cette fascination pour ce thème du Logos chez Chazal, est intimement liée à l’écriture poétique. Quel usage fait-il en effet de ce motif du Logos dans son œuvre littéraire ? Si l’homme est le sanctuaire dans lequel la divinité a déposé son trésor le plus précieux, tous les êtres humains ne sont pas capables d’utiliser cette puissance formidable qu’ils portent en eux. Pour Chazal en effet, le Logos est surtout un instrument d’influences permettant de différencier les vrais des faux poètes. Seuls les poètes savent utiliser leur participation au Logos divin et possèdent véritablement sa puissance extraordinaire. Si j’utilise ce verbe, « posséder », c’est à dessein, pour insister sur le caractère ésotérique de la parole poétique telle que la conçoit Malcolm de Chazal. En cela, Chazal se rattache à toute une lignée de poètes, parmi lesquels on rencontre Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire ou plus près de nous Aimé Césaire, Frédéric Parcheminier ou Pierre Emmanuel.

B. Le Christ, Melchisédeq

A côté du Logos, l’on rencontre chez Malcolm de Chazal une autre entité, tout aussi mythique et énigmatique, caractérisée elle aussi par la représentation christique qui lui est attachée : cette figure fascinante est celle de Melchisédeq, le très mystérieux roi de Salem, que la Bible ne mentionne qu’à trois reprises, toujours à l’occasion de développements très restreints. Comme le Logos, dont les occurrences sont moins nombreuses encore, Melchisédeq ne s’impose pas par l’occupation qu’il fait de l’espace : l’intérêt qu’on peut lui porter réside justement dans l’extrême brièveté de ses apparitions et la portée particulièrement symbolique des actes qu’il accomplit.

C’est vraisemblablement à l’époque du tournant décisif ayant fait basculer Chazal dans sa période mythico-biblique que le personnage de Melchisédeq s’impose au poète comme un symbole puissant permettant de clarifier la représentation qu’il se faisait du Christ. Les premières traces de ce roi se rencontrent dans le livre fondateur qu’est Petrusmok. Cependant, les références à ce personnage y sont souvent codées : Chazal évoque en particulier certaines sculptures de pierre, les « Egsaz », qui sont des sortes de gisants minéraux en forme de Roi-Prêtre, et derrière lesquelles l’on peut reconnaître l’image de Melchisédeq grâce à leurs prérogatives royales et sacerdotales. [63]

Malcolm de Chazal confesse en effet trois ans plus tard dans Le roi du Monde que la figure de Melchisédeq lui était devenue familière : « Il y a quelque temps, écrit-il, j’étais pleinement engagé dans des recherches sur la question d’immortalité, dont les personnages centraux étaient Melchisédeq et le Christ ». [64]

Ces références au roi de Salem s’expliquent sans doute par le mystère qui entoure le personnage. La personne de Melchisédeq et la place qu’il occupe dans le livre de la Genèse font naître le mystère et lui confère une stature particulièrement apte à fasciner les esprits en quête de merveilleux. Il n’est donc pas étonnant, comme le souligne le théologien protestant Jean Héring, que ce Melchisédeq « ait encouragé les spéculations les plus diverses » [65] et ait concentré sur son nom les croyances les plus extraordinaires. Il faut sans doute comprendre en effet, que si Chazal lui a octroyé une place de choix dans son œuvre, c’est sans doute en raison du mystère qui est attaché à sa personne et qui permet de montrer un Christ éminemment mythique, doté de prérogatives sacrées et d’un pouvoir illimité qu’il détient parce qu’il ne s’inscrit dans aucune généalogie humaine.

Melchisédeq et l’ésotérisme

Diverses traditions occultes se sont emparées, comme il est de coutume, de la figure mystérieuse de Melchisédeq pour en faire, non pas le symbole christique par excellence, possédant toutes les attributions d’une prêtrise supérieures à toutes les autres, doublées des prérogatives monarchiques liées au royaume de Dieu, mais au contraire, un être magique dépositaire d’un enseignement occulte. Ainsi, le second Théodote par exemple, voyait en Melchisédeq un être supérieur au Christ : il le considérait comme « la vertu céleste de la grâce principale »[66] et comme un médiateur puissant entre les domaines éthérés et terrestres. C’est de cette manière que Chazal appréhende Melchisédeq en premier lieu : il reconnaît en lui le « médiateur unique entre nous et Dieu et Dieu et nous ». [67] Ce médiateur prend l’apparence chez Chazal d’un Homme-synthèse, qui est sans doute à rapprocher du Très Grand Homme des alchimistes. « Tous les mythes se rejoignent dans le grand imagier de l’espace, écrit Chazal dans La clef du cosmos, [grand imagier] dont Christ a condensé l’ensemble dans un seul Corps d’Homme [68] , en Incarnation Absolue du principe et de l’Essence ». [69] En outre, ce médiateur n’entre dans aucune généalogie, ce qui le rapproche encore plus de Melchisédeq. [70]

A côté de ce médiateur-synthèse, se développent d’autres spéculations étonnantes : pour certains, à l’image du premier Théodote, le maître à penser du second, le Christ a souvent été confondu avec le Saint-Esprit. L’historien Epiphane rapporte quant à lui qu’il était courant en Egypte de rapprocher Melchisédeq de la figure de l’Esprit. « Plusieurs auteurs ont vu en Melchisédeq une théophanie, ce qui explique qu’on l’a identifié avec le Fils ou le Saint Esprit, et que le second Théodote l’a proclamé plus grand que Jésus homme ».[71] Quant à Malcolm de Chazal, il rapproche Melchisédeq de l’archange Michel. Cette assimilation n’est pas le fruit de son imagination. Jean Héring dans son Commentaire du Nouveau Testament explique que dans « certaines traditions, peu répandues d’ailleurs, on identifiait Melchisédeq avec l’archange Michel, ce qui était une manière d’expliquer son rôle prestigieux ». [72] Or, Malcolm de Chazal, sans l’affirmer explicitement, assimile dans un tableau fort complexe, Jésus-Christ à l’ange Michel, c’est-à-dire à Melchisédeq. [73]

EpoquesPériodesVerbe solaireroi du monde
123

4

5

6

Tradition hébraïquedesGénérations

d’Adam

///

/

/

/

SethEnoschKénan

Mahalaleel

Jered

Henoc

 

7Lémurienne/Lémec
8AtlanteQuetzalcoaltlTlahuitzcal-panteucli

 

 

 

 

 

 

EgyptienneHindoueHébraïque

 

 

Hellénique

 

Judéo-Chrétienne

OsirisKrishnaMessiah

 

 

Apollon

 

 

Jésus-Christ

Hermès-ThotBrahâtmâNoé, Melchisédeq, Esau, Elie

Mercure,

Hermès Trismégiste

 

 

Premier roi mage, Michel

10///
11///
12///

Fin du monde

Verbe solaire réincarnatif et roi du monde, sous différentes désignations [74]

 

Melchisédeq apparaît à deux reprises dans le tableau imaginé par Malcolm de Chazal, dans la colonne de désignation des « rois du monde » : La première occurrence correspond à la période hébraïque et semble coïncider avec la rencontre avec Abraham, mentionnée en Genèse 14, 17-20. La seconde est beaucoup plus subtile puisque le nom du prêtre mythique n’apparaît pas. Chazal se contente de faire référence à l’archange Michel dans la figure duquel, les occultistes avaient cru reconnaître l’image même de Dieu et de son Esprit. Cette deuxième occurrence semble renvoyer à un autre texte biblique précis, qui rapproche le roi de Salem et le Christ en une seule et même figure symbolique : l’épître paulinienne aux Hébreux doit être sans nul doute le point de départ de la référence chazalienne : le « Verbe solaire » Jésus-Christ est étroitement associé au « roi du monde » Michel, ce dernier étant lui même une figure christique plus ou moins cachée. Un autre texte biblique plus ancien pourrait être lui aussi à l’origine de ce rapprochement : il s’agit du Psaume 110 qui loue la puissance de David. Or, La figure davidique symbolise le Christ. Dès lors, les versets de ce psaume s’adressent plus au Messie Fils de Dieu qu’au roi temporel d’Israël. [75]

Melchisédeq et la Gnose

Jean Héring mentionne dans son Commentaire du Nouveau Testament, l’existence d’une hérésie chrétienne prenant ses racines dans l’enseignement du second Théodote : Il signale en effet l’article, très controversé, du théologien Marcel Simar, La polémique entre juifs et chrétiens, dans lequel ce dernier affirme que la synagogue dut elle aussi se défendre contre une secte gnostique qui exaltait le rôle de Melchisédeq. [76] Les gnostiques ont sans doute trouvé dans le personnage du roi de Salem, le moyen de rassembler au sein d’une même figure, tous les symboles capables d’incarner la puissance spirituelle du Messie. Chazal, sans doute en procédant de la même manière a retrouvé le chemin de leur enseignement, probablement encore une fois par des moyens indirects et détournés.

Melchisédeq à Qumrân

Le rapprochement de Melchisédeq et de Michel, s’il est attesté dans différents courants ésotériques, ne l’est pas moins dans les textes découverts dans les grottes de Qumrân. Nous savons que Chazal s’était fortement intéressé à ces découvertes par plusieurs articles publiés dans Advance à cette époque ainsi que par de nombreux développements contenus dans Sens Unique et L’homme et la connaissance notamment.

Ernest-Marie Laperrousaz, le grand spécialiste des manuscrits de la Mer Morte, affirme que Melchisédeq, au premier siècle de notre ère, a été l’objet d’un intérêt certain, non seulement dans la communauté essénienne, mais aussi plus généralement, dans les milieux littéraires juifs de l’époque. « Les rares mentions bibliques de Melchisédeq [77] , écrit-il, [78] ont trouvé un ample développement d’abord dans Les visions d’Amram, un écrit araméen, peut être assidéen ou des débuts du mouvement essénien, où Melchisédeq est l’un des trois noms de l’ange de lumière : Michel, Prince de lumière et Melchisédeq […]. Deux autres compositions esséniennes en Hébreu concernent Melchisédeq qui officie comme grand prêtre de la liturgie céleste ou le grand prêtre dans le temple céleste dans Les cantiques de l’holocauste du sabbat (4 Q 400-407, 11 Q Sirsab et Masadasirsab). Au dixième jubilé, le jubilé eschatologique, il présidera le dernier Kippur de la rédemption, jugeant et exerçant la vengeance des jugements de Dieu au terme de la guerre finale contre Bélial et les esprits de son lot et scellant la victoire définitive de son héritage (11 Q Melk). Le choix du nom du personnage dans ces compositions esséniennes est lié au fait que les auteurs entendent mettre en relief sa fonction première, celle de roi-prêtre céleste alors que les noms de Michel ou Prince de lumière lui sont donnés quand il s’agit de mener la guerre contre Bélial et le Prince des ténèbres dans La règle de la guerre par exemple ». [79]

Malcolm de Chazal quant à lui ne fait pas de différence dans l’emploi de telle ou telle épithète pour désigner Melchisédeq : tous ses noms sont des synonymes qui ne se différencient pas par des valeurs sémantiques particulières.[80] En revanche, Le Melchisédeq chazalien conserve, avant toute chose, comme le Melchisédeq biblique, ses prérogatives royales et sacerdotales.

Comme Melchisédeq, le Christ est roi et prêtre

Le personnage qui nous est présenté en Genèse 14 est, comme tous les monarques de l’Orient ancien, roi et prêtre, ces deux fonctions étant indissociables et toujours cumulées. Si dans la Genèse, la fonction sacerdotale de Melchisédeq semble être prédominante, le Psaume 110 ou l’Epître aux Hébreux assurent l’équilibre de l’ensemble de ses attributions. Quant à Chazal, on peut penser qu’il voit en Melchisédeq plus un symbole de puissance qu’un symbole religieux : le Roi-Prêtre sculpté dans la pierre de l’île Maurice est une représentation de la force du Christ, empruntant aux deux fonctions dont il est le dépositaire ce qu’elles offrent de particulièrement puissant. Pour Malcolm de Chazal, le Christ est donc supérieur à double titre : en premier lieu, il tire sa force de son autorité de souverain. En second lieu, sa prêtrise, qu’il ne tire d’aucune hérédité particulière, scelle l’avènement d’un être supérieur qui ne doit pas son pouvoir à des règles humaines. [81]

« L’hérédité effacée, les êtres en Dieu n’ayant ni père ni mère, […] sont des êtres nés du ciel ».[82] « Prophète, mage, délégué, oint [christos], Jésus est prêtre selon l’ordre de Melchisédeq qui est l’ordre de l’inspiré. En lui est nommé le poète absolu. Désormais oblat en Dieu, il coexiste en Dieu, tout en conservant sa person[n]alité imprescriptible, qu’il obtint en vivant sur terre, départ de conscience et départ de vie ». [83]

On voit bien ici que Dieu, sous toutes ses formes symboliques, est un personnage central de la poétique chazalienne. Il n’est pas un « masque » comme l’affirmait Georges Bataille, ni une « métaphore », nouvelle terminologie imaginée récemment pour contourner le problème.

Chazal, dès la fin des années 1940, apparaît comme un formidable penseur chrétien, comme un philosophe occulte, et même, peut-être, comme un réformateur. Son Unisme est avant toute chose un Christianisme. La gnose y joue un rôle important. La figure centrale de son système est celle du Christ qui apparaît essentiellement sous deux formes mythiques : celle du Logos et celle de Melchisédeq.

Le syncrétisme puissant qu’il réalise n’a qu’un but : « décaper » et « décanter » les religions pour faire naître une Religion de la Nature. Il n’est donc pas étonnant de retrouver chez ce réformateur des références nombreuses aux groupes qui ont été marginalisés par l’Eglise officielle : gnostiques, Esséniens, Eglise Réformée, christianisme hétérodoxe… Sa Nouvelle Religion est une « Surscience, un occultisme appliqué qui serait religion » [84] Elle est en outre, une « poésie métaphysique », une réconciliation de l’homme avec la nature et à travers elle, avec son créateur, elle est « une religion de la Vie, de l’Amour », de la Vérité et du Bien ». [85]

Cette obsession de vouloir fonder une nouvelle religion qui serait une synthèse épurée de toutes les autres, constitue vraisemblablement l’objectif que Chazal poursuit plus ou moins secrètement à longueur de volumes. Petrusmok en particulier, est présenté au cours du récit, comme une entreprise de reconstruction spirituelle, parce qu’il considère que dans notre monde moderne « la foi est morte » [86] , assassinée par les effluves méphitiques de la science et de la raison . « Petrusmok, précise Chazal, [87] est un livre mythique qui défoule et rebâtit, qui crée un jardin après avoir arraché les mauvaises herbes. Il met le profane au centre du sacré, après avoir retourné l’habit du profane, et l’avoir fait sacré, en remettant tout dans l’Unité. Je n’ai pas d’autre ambition ici même que de remettre l’homme dans la vie tel que l’en a chassé la Chute. La religion du vivant est la seule religion de ce livre ». Tout est dit ici : le projet d’ensemble est clairement défini. Il ne reste plus à Chazal qu’à convaincre l’humanité inconsciente, l’humanité revêche, l’humanité idolâtre, l’humanité ivre de science, de raison et de mythes, de la nécessité de le suivre et de l’écouter, lui, le mage de Maurice, comme elle a suivi, il y a bien longtemps déjà, un autre prophète, montant du désert, venu annoncer aux hommes l’avènement de leur Sauveur.[1] Communication présentée au colloque « Malcolm de Chazal, hier et demain, Fondation Malcolm de Chazal, Maurice, 11 septembre 2012. Sur les questions théologiques dans l’œuvre de Malcolm, le lecteur pourra se reporter à mon ouvrage Malcolm de Chazal, l’homme des genèses, Paris, L’Harmattan, 2001.

[2] CHAZAL. Malcolm de. Correspondance avec Jean Paulhan, Toulouse, l’Ether Vague, 1986.

[3] Il existe à ma connaissance deux ouvrages consacrés à l’histoire familiale des Chazal : CHAZAL, Régis de. Histoire de la famille de Chazal, Maurice, 1911 et LE JUGE DE SEGRAIS, Jules. Histoire généalogique de la famille de Chazal, Paris, Champion, 1927. Un troisième document existe, consultable sur internet : CHAZAL, Tristan de. Histoire généalogique de la famille de Chazal, 1994. Cependant Malcolm ne pouvant en avoir connaissance, je ne tiens pas compte de son contenu dans la présente analyse.

[4] Sur cet échange épistolaire et son commentaire, voir CHABBERT, Christophe. Chazal-Paulhan, histoire d’un malentendu, in Jean Paulhan et les poètes, Nice, 2003, pp. 118-129.

[5]Pour le texte entier du procès-verbal d’initiation, voir HAMILTON, J. W. Backstrom’s alchimical anthology, Londres, 1994. Je joins ce texte dans les documents annexes à ma communication. Il sera prochainement publié en France dans une publication en préparation : CHABBERT, Christophe. Correspondance de la famille de Chazal, Paris, Editions de L’Harmattan.

[6] CHAZAL. Malcolm de. Correspondance avec Jean Paulhan, Toulouse, l’Ether Vague, 1986, pp. 55-56.

[7] Texte publié sous un nouveau titre récemment par HAMILTON, J. W. Backstrom’s alchimical anthology, Londres, 1994.

[8]CHAZAL, Malcolm de. Petrusmok, Port-Louis, La Table Ovale, 1951.

[9] SABLE, Erik. Dictionnaire des Rose-Croix, Paris, Dervy, 1996, pp. 50-51.

[10] « […] Monsieur de Vaugirard vient d’arriver de Montbrison ; je l’ai prié de venir après- demain manger ma soupe. Il m’a donné des détails satisfaisants sur votre fortune, l’usage noble et généreux que vous en faites. Rien ne pouvait me faire plus de plaisirs surtout si vous en avez employé une bonne partie pour soulager les malheureux et faire le bien, que les années n’emportent pas ou plutôt qu’elles portent pour l’éternité, où ce qui est de passage acquérera le caractère de la perpétuité ». CHAZAL, Régis de. Histoire de la famille de Chazal, Maurice, 1911

[11] BERNARDIN de SAINT-PIERRE, Jacques-Henri. Harmonies de la nature, Paris, 1814.

[12] CHAZAL, Régis de. Histoire de la famille de Chazal, Maurice, 1910.

[13] Certaines tensions dans la famille sont perceptibles à travers la correspondance familiale. François, en effet, avait plus ou moins distendu les liens avec ses frères comme en témoignent les lettres de son frère l’abbé (de Chazal de la Morvaudin) ou de son frère Pierre (de Chazal l’âiné, héritier d’Aimé de Chazal) : L’abbé lui reproche de ne pas répondre à ses lettres et d’avoir fait mourir leur père de chagrin en l’ayant laissé sans nouvelles pendant près de dix ans (lettre du 23 décembre 1771). Pierre de Chazal, son frère aîné, se plaint également de sa réserve et de son manque de franchise dans une lettre datée de 1771: « depuis trois ou quatre ans que vous ne répondez jamais à aucune des mes lettres, jouez-vous la mauvaise foi avec moi? Je ne l’imagine pas mais votre façon est bien malhonnête ».

[14] Les fils de son frère Antoine-Régis de Chazal de Chamarel qu’il a adoptés à sa mort alors qu’ils n’étaient encore que des enfants.

[15] Lettre de François de Chazal de la Genesté à Toussaint de Chazal de Chamarel du 17 avril 1792. « « Je vous prie d’ajouter à mes commissions un ouvrage singulier dont je joins ici la note séparée. Note : tous les ouvrages détaillés que l’on achèterait en 1785 chez l’auteur lui-même à Paris, Hôtel de Curon, rue de la Verrerie vis-à-vis celle de la Poterie. Voici ceux dont j’ai les titres :

– Instruction sur l’art de tirer les cartes
– Philosophie des Hautes sciences
– Manière de relever avec le jeu de cartes Honoré Tarots
– Les sept nuances de l’œuvre philosophique

Plus un autre ouvrage en deux volumes : auteur inconnu : La Vérité ou les mystères du Christianisme approfondis radicalement et reconnus physiquement vrais etc ;, œuvre singulière, le tout relié ».

[16] Ce que Malcolm de Chazal ne se prive pas de rappeler, dans Petrusmok notamment.

[17] Le titre original est : Essay on alchimy.

[18] Selon toute vraisemblance, le docteur Bacstrom aurait quitté New York pour L’Ile de France sur le navire l’Harriett, capitaine Daddy quelques mois auparavant.

[19] L’existence de cette bibliothèque est confirmée par plusieurs lettres de Pierre de Chazal à son neveu Toussaint qui s’inquiète de la destinée de tous les ouvrages de François après sa mort. « Qu’est devenu le superbe cabinet d’histoire naturelle de mon frère ? » (Lettre de Pierre à Toussaint du 1 avril 1802). « Qu’est devenu ce beau cabinet de curiosités de mon frère ? » (Lettre de Pierre à Toussaint du 1er juin 1802)

[20] « J’ai initié et reçu monsieur Sigismund Bacstrom, docteur en physique, comme membre et frère, au grade d’apprenti, en conséquence de ses solides connaissances, initiation que je certifie par mon nom et ma signature : Ile de France, 12 septembre 1794 ; signé : « de Chazal, FRC ».

[21] BACSTROM, Sigismund. Bacstrom’s alchimical anthology, op ; cit, p. 11. Cette anecdote est rapportée par Malcolm de Chazal dans Petrusmok, anecdote qu’il tient sans doute des recherches de sa belle-sœur.

[22] Il est à noter que Hamilton est persuadé que François de Chazal est mort très vieux, à près de quatre-vingt- dix-sept ans et que son extrême longévité est due, sans nul doute, à ses connaissances rosicruciennes…. « [So] the comte de Chazal died in 1795, at the age of 97 years, the year following Bacstrom’s initiation ». op. cit, p. 12.

[23] François aurait produit devant Backstrom trente carats d’or extrêmement cassant, vingt-quatre carats d’un or encore plus resplendissant et ductile, de l’or [enfin] d’une couleur encore plus radieuse, un peu plus lourd que le précédent ». (« Gold of thirty carats, but exceeding brittle most glorious, soft and ductile gold of twenty-four carats ; a gold of yet more glorious colour, somewhat heavier than the former”, in A.E Waite, the brotherhood of the rosy cross, p. 557.

[24] BACSTROM, Sigismund. Bacstrom’s alchimical anthology, op ; cit, p. 12.

[25] WAITE, A.E. The real history of the rosicrucians, London, George Redway, 1887, pp .409-414.

[26] FULCANELLI. Les demeures philosophales, Paris, J.J Pauvert, 3e édition augmentée, note de bas de page de la p. 31 : « Le docteur S. Bacstrom fut affilié à la société hermétique fondée par l’adepte de Chazal, qui habitait l’île Maurice, dans l’océan indien, à l’époque de la Révolution ».

[27] ALLENDY, René. Paracelse, le médecin maudit, Paris, Gallimard, 1937, pp.159-160 : « Les origines de la Rose-Croix sont très problématiques. Dans un document concernant l’admission, à la fin du XVIIIe siècle, d’un docteur Sigismond Bacstrom à la Rose-Croix, sous le parrainage du comte de Chazol (sic), – un des premiers colons de l’île de France (Mauritius), – il est dit que la société existe depuis au moins 1540. On sait d’autre part que , vers 1598, se forma à Nuremberg une militia crucifera evangelica, mais la Rose-Croix se fit positivement connaître au monde, non pas vingt-quatre ans après la prédication de Paracelse, mais environ trois fois vingt-quatre ans (ce qui ferait exactement 1608) ». Note de l’auteur.

[28] CHAZAL, Malcolm de. Correspondances avec Jean Paulhan, Toulouse, L’Ether Vague, 1987, pp 55-56 : […] Monsieur René Guénon qui est établi au Caire depuis vingt ans et qui s’occupe uniquement de questions d’ordre ésotérique et initiatique m’écrit entre autre chose ceci : cela rejoint de manière chronologique étonnante ce que vous m’écriviez au sujet de ce qu’on m’oppose en ce moment à paris dans certains milieux : Martinisme, Rose-Croix etc…) Texte de M. Guénon : « Je me permettrai, puisque l’occasion s’en présente, de vous poser une question : j’ai très souvent entendu parler de votre famille et, entre autres choses, j’ai entendu dire autrefois que le marquis de Chazal, qui alla s’établir à l’Ile Maurice, vers la fin du XVIIIe siècle, aurait été disciple du comte de Saint Germain et même dépositaire de son secret. Ses descendants actuels en ont-ils conservé quelques souvenirs ? Si ce n’est pas trop indiscret, je serais très intéressé de savoir ce qu’il en est ». « Je ne connais rien de cette affaire, écrit Malcolm de Chazal à Jean Paulhan. Notre livre de famille ne mentionne rien à ce sujet. Je n’en ai jamais entendu parler par les miens ».

[29] SABLE, Erik. Dictionnaire des Rose-Croix, Paris, Dervy, 1995, pp.50-51.

[30] « l’humain est dans tout ; l’humain résume tout » ; Le chapitre de Petrusmok « le corps intègre » est une reprise à peine dissimulée du motif du Très Grand Homme.

[31] Voir « le corps intègre », in Petrusmok.

[32] « Dans l’Evangile de Jean, l’ésotérisme juif est tout entier dans le sens, ésotérisme qui se retrouve chez les Esséniens, secte juive habitant les caves de la mer morte ». CHAZAL, Malcolm de. Sens Unique, p. 87.

[33] Chazal ne précise pas, comme il le fera en d’autres passages de son œuvre, que le verbe auquel il fait référence a été dérobé par l’homme pour créer le monde que nous connaissons, un monde mauvais issu de la division de l’Un. Au contraire, Dieu est le créateur de l’univers et sa Parole fonde l’Unité : « Dieu dit : et le Verbe mit au monde le monde ». Voilà une affirmation qui montre encore une fois le flottement de la pensée chazalienne qui, entraînée par son lyrisme, tombe dans le piège de la contradiction.

[34] « Le Verbe créa le monde. Et le monde porte le sceau du Verbe. La pierre philosophale [34] donnait un geste d’action, mais non pas de réalité. La réalité, c’est le Verbe. Et le verbe ne giclait pas des transmutations. Le Verbe est l’essence de la substance. La pierre philosophale ne faisait aucune nomination et ne révélait donc rien de l’essence, sauf de prouver que tout est un. Le Grand Œuvre n’était donc que partiel dans la pierre philosophale, puisqu’il ne montait pas vers le Verbe. Ce n’était pas cette pierre artificiellement produite qui pouvait révéler le Verbe, mais bien la pierre naturelle, où le sceau du verbe est inscrit, sceau qui fut mis dans la pierre à la création lorsque Dieu dit. Dieu dit, et le Verbe mit au monde le Monde. Revenir au Verbe, c’est lire le Sceau de la Nature, c’est déchiffrer la parole inscrite, l’Empreinte de Dieu, les Marques des Doigts divins sur le divin des choses, c’est lire la Pensée Divine, du plus bas des choses au plus haut, en montant vers Elle ». CHAZAL, Malcolm de. Petrusmok, p. 519 et 520.

[35] « L’ombre qui est l’homme parla. Elle avait un langage connu de tous. C’était une voix mille fois plus vertigineuse que le tonnerre. Et on y vit la VOIX même de Dieu. Beaucoup dirent que c’est ainsi que Dieu dit, quand il créa le monde. Car la voix créait. […] Dieu enfin était descendu sur Terre. On le savait, parce que la matière naissait devant les yeux de l’homme, à sa Voix. Le Verbe parlait, et la matière se présentait ». CHAZAL, Malcolm de. Pentateuque, p. 13.

[36] « Ce qu’il faut, c’est aller non pas au vent et à la voix, mais à la lumière, seule Parole d’où vient toute forme, et qui est muette, cependant toute parlante, non par des sons, mais par une Parole de lumière que sont les images, dès lors Esprit.[36] […] Cette lumière est visage, elle nous sourit, nous regarde comme un être, elle est vivante. Et comme le visage de la perle, elle a les couleurs infuses, elle est chair, mais chair spirituelle, corps de gloire, splendeur. Elle ne brise pas la vue ni ne la fatigue. On peut la fixer indéfiniment. Elle n’est pas chaleur physique, resplendissante, elle ne donne pas le froid. Son climat est amour. Elle est totalement humaine, à notre portée, familière. Et qui la voit n’en est pas étonné, si simple paraît-elle, c’est comme si on l’avait toujours connue. Elle n’a pas de consistance, elle est la Substance même. Ni transparente ni opaque, elle est Chair de lumière. Et qui la voit a tout. Et sa vue est béatitude et paix. Elle est la grâce même et la beauté même. Son corps est joie. Cette lumière est nue. Elle n’est qu’harmonie, plénitude. Elle abolit l’espace, et cependant, elle est expansion même. Et le temps ne la touche pas, elle n’est jamais née. Et pour qui la voit, le temps s’arrête. C’est le corps de l’Amour même. Cette Lumière Totale est le Corps de Dieu, dont l’agneau est le flambeau ». CHAZAL, Malcolm de. Le Sens de l’Absolu, pp. 27-28.

Cf. Apocalypse. 21, 23.

[37] CHAZAL, Malcolm de. Le Roi du Monde, p. 19.

Jean incarne l’église ésotérique par opposition à Pierre, symbole de l’Eglise exotérique.

[38] CHAZAL, Malcolm de. Petrusmok, p. 143.

[39] CHAZAL, Malcolm de. Petrusmok, p. 429.

[40] Il s’agit peut être ici d’un jeu de mots qui appelle la complicité de l’initié : Jean est le porteur de lumière des mots.

[41] CHAZAL, Malcolm de. Petrusmok, p. 147.

[42] CHAZAL, Malcolm de. Le Roi du Monde, p. 7.

Princeps huius mundi : le Prince de ce monde.

[43] Jean 3, 1-21. Il est à noter que l’on trouve une autre référence à Nicodème dans Le Sens de l’Absolu. (CHAZAL, Malcolm de. Le Sens de l’Absolu, p. 9).

[44] Jean 3, 3.

[45] Jean 5, 1-9.

[46] CHAZAL, Malcolm de. Les Deux Infinis, p. 139.

[47] Lazare est également évoqué dans les Deux Infinis. (CHAZAL, Malcolm de. Les Deux Infinis, p. 139).

[48] Jean 11, 1-57.

[49] CHAZAL, Malcolm de. Petrusmok, p. 179 à 193.

[50] CHAZAL, Malcolm de. Petrusmok, p. 445 et Apocalypse 13, 2.

[51] Il s’agit de « Apocalypse dans le ciel mauricien (deux visions) ».

[52] Il s’agit de : La Bible du mal, La fin du monde ?, La grande révélation, La science immortelle, Le livre de conscience, Le livre des principes, Le livre d’or, Le roi du monde, L’Evangile de l’eau, Le Pape et la science et la révélation de l’angélisme.

[53] Cf. BRENON, Anne. Le vrai visage du Catharisme, Toulouse, Loubatières, 1997, p. 10.

[54] CHAZAL, Malcolm de. Pentateuque, p. 2.

[55] « Le mythe de l’homme-Dieu, qui fait Dieu descendre sur terre et s’incarner, donne l’Antéchrist, l’homme-Dieu est le total de confusion, Babylone en personne, produit de l’Eglise d’Enfer. L’homme-Dieu donne la chute de Dieu qui est l’incarnation ». CHAZAL, Malcolm de. Les Deux Infinis, p. 149.

[56] CHAZAL, Malcolm de. Les Deux Infinis, p. 170.

[57] CHAZAL, Malcolm de. Petrusmok, p. 482.

[58] BRENON, Anne. Le vrai visage du Catharisme, p. 61.

[59] BRENON, Anne. Le vrai visage du Catharisme, p. 33.

[60] « Et l’homme se vautra dans la fange.

C’était le temps où les mythes de chair étaient partout. Dieu était roche, étoile nuage, animal, arbre, fer, eau, air, et l’ombre en donnait la présence la plus proche.

C’était le temps du Mauvais Dieu.

La planète alors hébergeait des corps effroyables, correspondant au Mauvais Dieu : serpents volants, dinosaures, bêtes amphibies. La fausse sensation alors était partout : la pensée de la chair.

L’eau était visqueuse, le brouillard permanent, le feu était lueur, les marécages hébergeaient le phosphore, et rampaient sur la terre de gluantes horreurs ». CHAZAL, Malcolm de. Pentateuque, p. 27 et 28.

[61] BRENON, Anne. Le vrai visage du Catharisme, p. 64.

[62] CHAZAL, Malcolm de. La clef du cosmos, p. 85.

[63] « Egsaz est le roi prêtre du royaume intérieur de la vie, de l’Eglise intérieure de la matière. C’est l’occulte, l’alchimique, l’ésotérique en Un, que défend le sceptre-épée que tient le voyant, en surplis de prêtre, en couronne de Roi ».

CHAZAL, Malcolm de. Petrusmok, p. 488.

[64] CHAZAL, Malcolm de. Le roi du Monde, p. 3.

[65] HERING, Jean. Commentaire du Nouveau Testament, Genève, Delachaux et Niestlé, 1954, p. 65.

[66] Cette épithète est rapportée par Tixeront dans son Histoire des dogmes. (TIXERONT,J. Histoire des dogmes, tome I, p. 78).

[67] CHAZAL, Malcolm de. Le Roi du Monde, p. 13.

[68] Il est à noter qu’ici, le Christ est pleinement considéré dans son humanité, ce qui n’est pas toujours évident chez Malcolm de Chazal.

[69] CHAZAL, Malcolm de. La clef du cosmos, p. 25.

[70]« Les naissances humaines sont les produits de l’esprit travaillant sur une dualité de parents, tandis que la Naissance du Christ est le produit de l’Esprit œuvrant sur une Unité de vie sur cette « nature » que fournit Marie, tel dans la génération spontanée, le matériau de vie est donné par les particules de matière anonymes et informes dont la forme elle-même vient des cieux par l’image du mythe étoilé ».

CHAZAL, Malcolm de. La clef du cosmos, p. 26.

[71] TIXERONT, J. Histoire des dogmes, p. 78.

[72] HERING, Jean. Commentaire du Nouveau Testament, p. 65.

[73] Chazal est coutumier de cette façon de procéder. Il semble disséminer des indices dans son œuvre afin que son sens caché apparaisse à l’esprit ayant pris la peine de s’initier aux traditions ésotériques.

[74] Tableau réalisé d’après un document contenu dans les pages du Roi du Monde. (CHAZAL, Malcolm de. Le Roi du Monde, p. 10).

[75] « […] Le Seigneur l’a juré,

Il ne s’en repentira pas :

« Tu es prêtre pour toujours,

A la manière de Melchisédeq ». Psaume 110, 4.

[76] HERING, Jean. Commentaire du Nouveau Testament, p. 66.

[77] Dans un souci de clarté, j’ai délibérément choisi de ne retenir qu’une orthographe du nom Melchisédeq en dépit de toutes celles que l’on peut rencontrer : E-M Laperrousaz évoque par exemple Melkîsedeq.

[78] LAPERROUSAZ, Ernest-Marie. Qumrân et les manuscrits de la Mer Morte, un cinquantenaire, p. 303.

[79] Il semble que dans la communauté essénienne de Qumrân, il ait existé un messianisme double, avec attente non seulement d’un Messie davidique, descendant de David, mais aussi d’un Messie aaronique, descendant d’Aaron, frère de Moïse. Dans les Manuscrits de la Mer Morte (Paris, Editions de l’Orante, 1957), Jean Daniélou, aux pages 53 et 54, et 69 à 71, donne à ce sujet des citations du Document de Damas et de La règle de la communauté, où il est question à la fois d’un Messie sacerdotal et d’un Messie laïque.

[80] Malcolm de Chazal utilisait de même les termes « Verbe », « Parole » et « Logos » comme des synonymes interchangeables.

[81] « Christ fut une Génération Spontanée du Divin, par l’intermédiaire des Cieux allégoriques Paradisiaques et Mythiques conjugués qui ordonnèrent au sein de Marie la Face Divine, comme le premier thym vient au monde et comme vint la première fleur, avec cette différence infinie que le geste ici est partiel et limité, tandis que la Naissance du Christ fut Totale et Absolue, illimitée dans le Vase d’Eternité ».

CHAZAL, Malcolm de. La clef du cosmos, p. 26.

[82] CHAZAL, Malcolm de. L’homme et la connaissance, p. 129.

[83] CHAZAL, Malcolm de. Sens Unique, p. 41.

[84] CHAZAL, Malcolm de. La clef du cosmos, P. 33.

[85] CHAZAL, Malcolm de. Manifeste-Crédo.

[86] BRINDEAU, Serge et LE BRETON, Edmée. Op. Cit.

[87] CHAZAL, Malcolm de. Petrusmok, p. 309.